lundi 14 février 2011

Des moines et du porridge

Voici une sélection de chengyus, proverbes et autres expressions idiomatiques particulièrement amusantes, intéressantes ou originales... Enjoy!

杀鸡取卵 : Tuer la poule pour récupérer ses œufs. No matter si cela a commencé avec la poule ou l'oeuf, en mangeant les œufs et tuant la poule, le cycle s’arrête -> Faire quelque chose de stupide

车到山前必有路 : Si une montagne se dresse devant vous, continuez dans sa direction, vous finirez bien par trouver un chemin qui la traverse. Une façon amusante de dire que les problèmes se résolvent très bien d’eux même. 

鱼死网破 : Les poissons sont morts et le filet est troué. Avec des trous dans le filet, le pécheur a bien du mal à pécher du poisson. Et de toute manière, même sans trous, il ne pêcherait que des poissons morts. Bref, une vie de combat. Décrit pas mal les générations qui ont vécu en Chine entre les années 40 et 80.

水涨船高 : Quand la mer monte, le bateau aussi. Une jolie petite image pour signifier que l’on en profite tous quand la situation générale s’améliore. Mais à l’inverse, imaginez-vous le bateau flotter 10 mètres au dessus de l’eau ? 

崇洋媚外 : Un Chengyu pour résumer l’adoration qu’avaient certaines personnes pour tout ce qui venait de l’occident au XIXème siècle, quand les marchands occidentaux venaient vendre les nouveaux joujous technologiques en Chine. On l’utilise aujourd’hui pour parler de cette vénération du blanc !

僧多粥少 : J’adore celui-ci : Beaucoup de moines, mais peu de porridge. Il n’y en aura pas pour tout le monde !!! C’est souvent le cas en Chine…

高不成低不就 : Les meilleures ne vous veulent pas, mais vous refusez les moins attractives. S’applique aussi bien aux femmes qu’aux entreprises. Idem pour 骑驴找马 : Monter l’âne pour partir à la recherche du cheval!

dimanche 13 février 2011

Des missionnaires jésuites à Macau à la vente du TGV aux Coréens

En 1582 une mission jésuite débarque à Macau, au Sud de la Chine. Leur mission : transmettre l’évangile dans le pays des petits bridés. Leur force de frappe : La connaissance des arts et techniques en provenance d’Europe. Dotés d’un prestige grandissant, ils sont invités à monter graduellement vers le Nord. En 1601 l’empereur chinois les invite au palais impérial, à Pékin. 

A cette époque, la Corée, protectorat chinois, envoie une délégation tous les ans pour verser un tribut à l’empereur Chinois, en échange de sa protection. A la fin du XVIIIème siècle, les ambassadeurs Coréens reviennent de leur voyage à Pékin avec des ouvrages religieux chrétiens rédigés en Chinois. L’évangélisation de la Corée commence.

Durant le siècle qui suit, les missionnaires occidentaux s’infiltrent en Corée, et de plus en plus de Coréens se convertissent au christianisme. Le gouvernement Coréen, confucianiste, s’oppose par la violence à l’entrée de cette religion.

En 1866, neuf prêtres français, un évêque et 8000 convertis coréens sont exécutés en Corée. La France envoie une escadre en représailles : 500 marins avec la mission de conquérir le pays ! Les Français brulent, pillent et se chargent de trophées, avant d’être repoussées par l’ « ennemi coréen ». Ils repartent avec des livres anciens de la bibliothèque royale, considérés comme reliques nationales. Ces reliques disparaissent ensuite de la circulation, c’est une perte tragique pour la culture coréenne.

Presque 150 ans plus tard, un étudiant coréen à Paris redécouvre ces livres, à la bibliothèque nationale de France ! Cela fait grand bruit, mais les ouvrages restent où ils sont.

Quelques années passent. La France participe à l’appel d’offre pour construire le train à grande vitesse en Corée du Sud. Mais le TGV est cher, et le contrat semble leur filer entre les mains. Ils proposent donc la remise de ces ouvrages-reliques à la Corée, si le TGV Français est choisi. 

Le TGV sera ainsi choisi ! Mais pour des raisons douteuses, les reliques ne seront pas remises… L’histoire n’est donc peut-être pas terminée !

vendredi 11 février 2011

S’il vous plait… dessine-moi une lune

Connaissez-vous le jeu de la lune ? 

Réunissez quelques joueurs et joueuses autour de vous. Prenez une baguette, ou un crayon, tendez-la au premier joueur, et demandez-lui de dessiner une belle lune dans les airs. Donnez votre appréciation – la lune dessinée est-elle belle ou non – et demandez lui de faire passer la baguette au joueur suivant, qui à son tour essaie de dessiner une belle lune dans les airs, etc. 

Mais qu’est-ce qui caractérise une belle lune ? Une lune est belle si, et seulement si, le joueur qui dessine la lune a d’abord remercié le joueur qui lui a tendu la baguette ! Sans aucune considération artistique relative à ses mouvements dans les airs.

Ce jeu de la lune marche assez bien au sein d’une communauté Française. Une bonne moitié des personnes disent naturellement merci lorsqu’on leur tend un objet. Il est très amusant de voir que personne ne comprend vraiment pourquoi sa lune est belle… ou non. Et plus les "impolis" s’énervent à force d’échouer dans leur tentative de dessiner une belle lune, moins ils ont de chance de dire un petit « merci » au joueur qui leur tend la baguette. 

Remplacez maintenant les Français(es) par des Chinois(es) et/ou des Coréen(ne)s, vous réaliserez qu’aucun joueur ne parviendra à dessiner une belle lune! Le jeu est tout de suite beaucoup moins amusant. La politesse locale n’invite pas à dire « merci » lorsque l’on récupère un objet tendu par une autre personne. 

Il faut être très occidental pour dire un petit Xiexie, ou Gamsahabnida, au vendeur de journal de Pékin ou de Séoul qui vous rend la monnaie. Il faut aussi être très occidental pour dire « s’il te plait », « merci », « pardon » à son conjoint. 

Vous êtes Français(e) et votre conjoint(e) Français(e) a préparé un diner pour vous. Si vous oubliez le petit merci attendu, ce serait grossier. Vous dites merci.

Vous êtes Chinois(e) et votre conjoint(e) Chinois(e) a préparé le même diner pour vous. You enjoy it, mais vous évitez un quelconque merci, ce serait une marque de distance terriblement blessante.

Vous êtes Français(e) et votre conjoint(e) Chinois(e) a préparé le diner pour vous, toujours le même. Si vous dessinez naturellement des belles lunes dans les airs, vous avez de grandes chances de provoquer un incident diplomatique !

dimanche 6 février 2011

L'homme parfait

Cet article prend la suite de celui d’Aurélien, publié l’été dernier à propos du très populaire programme télévisé 非诚勿扰 : Non sincères, s’abstenir.

Dans ce programme 24 demoiselles célibataires se tiennent en demi-cercle, debout derrière leur pupitre respectif. Elles commencent le jeu avec leur pupitre éclairé. Entre un candidat de sexe masculin. Il se présente brièvement, puis commence un jeu de questions réponses avec le présentateur et ces demoiselles. Lorsqu’une demoiselle n’est pas satisfaite de la réponse faite par le candidat, elle lui éteint sa lampe – cela signifie qu’elle ne veut pas de lui. Le but du candidat est de convaincre au moins une de ces demoiselles de garder sa lampe allumée jusqu’à la fin du jeu : elle lui accorde alors une date.

En prêtant attention aux questions posées par ces demoiselles, et aux raisons invoquées lorsqu’elles éteignent les lampes, j’en ai synthétisé le profil de l’homme parfait. 

L’homme parfait.

L’homme parfait pourrait se résumer en un mot : 安全感 – le sentiment de sécurité. L’homme parfait fournit à ces dames  un sentiment de sécurité. Se pourrait-il que la femme chinoise d’aujourd’hui ait une telle peur de l’avenir, du présent, et des hommes ? En tout cas, le sentiment de sécurité est l’argument massue qui justifiera toute appréciation personnelle du candidat masculin.

Comment apprécier la capacité d’un candidat masculin à donner un sentiment de sécurité à ces demoiselles ? 

J’ai identifié trois critères.
  • L’homme, le vrai : le MAN.
Le mari idéal ne se doit pas d’être beau (帅), il se doit d’être viril (阳刚, Man). Son physique sera imposant – grand, fort – et il n’oubliera pas de laisser quelques marques de virilité – courte barbe, veste de costume. Il marchera toujours devant elle et ne sera gentleman qu’avec modération.
  • L’homme, le socle : 稳重. 
Il aura une maison, une voiture. Il aura un métier stable, et des perspectives d’avenir. Il aura une santé de fer et pas de parents à prendre en charge. Et il privilégiera le sérieux à l'humour et la plaisanterie. Bref, il sait trouver la bonne place dans la société chinoise encore très instable – et très inégale – d’aujourd’hui.
  • L’homme, le soumis. 乖乖 
Il obéira à sa copine, quoi qu’elle lui demande. Elle voudra qu’il reste à la maison ? Il restera à la maison. Elle voudra aller faire du shopping avec lui ? Il fera du shopping avec elle. Il acceptera ses colères avec tolérance, et bien sur, il sera fidèle.

jeudi 3 février 2011

Un Nouvel An… Chinois !

Bonne année ! Santé, bonheur et prospérité !
新年快乐!身体健康 ,恭喜发财,阖家幸福!

Le rugissant tigre de métal s’en est retourné et a laissé place au lapin de jade et ses heureux auspices
金虎长啸辞旧岁,玉兔献瑞迎新年

Pour célébrer ce chassé-croisé entre tigre et lapin, j’eus l’immense plaisir d’être convié par Yuqian, amie et camarade de l’université, à cette grande réunion familiale qu’est le nouvel an chinois. Ce fut une longue soirée de jeux, de raviolis et de feux d’artifice !
  • Le Mah-Jong
A peine arrivé chez Yuqian j’étais invité à prendre place autour de la table de Mah-jong, un des grands symboles de la période du nouvel an chinois. En face de moi le père d’Yuqian, joueur efficace, rapide et silencieux. A ma gauche Xiao Shu, jovial et dynamique, et très curieux à mon égard. A ma droite Er Gu, joueuse technique, passionnée et volubile.

Le rythme du jeu était incroyablement rapide ! C’était la première fois que je jouais avec des joueurs aussi expérimentés et je découvris que le Mah-jong est un jeu qui ne s’arrête pas une fois qu’il est lancé. Pas de temps mort, les séquences s’enchainent, les gestes sont précis et choisis pour garder le rythme aussi rapide que possible. On lance la première pierre sans avoir trié son jeu en annonçant « pas de regret » et on trie son jeu pendant que l’on joue. Les pierres piochées sont lues par le pouce plus que par les yeux et sont jouées d’un mouvement habile de l’index qui renverse la pierre et la propulse au milieu du tapis de jeu d’un seul mouvement. Et lorsqu’on Peng ou Chi la pierre jouée par un autre joueur, on jette la pierre suivante avant même de récupérer cette pierre. Rien ne doit ralentir le train Mah-jong une fois qu’il est lancé !

Je jouai une dizaine de parties, peinant à tenir le rythme et essayant de jouer en temps plutôt que jouer intelligemment, avant de laisser la place à Yuqian, allégé de plusieurs dizaines de RMB !!!
  • Les toasts
Au cours du diner qui suivit, dans une magnifique salle privée d’un restaurant sur Chang An Jie, avec Michael, second Laowai invité ce soir là, nous avons été l’objet de toutes les attentions. En particulier une petite bouteille de Baijiu, le si renommé alcool de riz chinois, dont le degré d’alcool varie entre les 30 et 60 degrés et reste un immanquable des banquets chinois, nous avait été réservé. Après avoir bu le verre d’ouverture de diner et le verre à la nainai, les verres se sont succédés à coup de quizzs plus ou moins intellectuels : Devine d’où vient cette bouteille de vin, quelle est la relation entre untel et untel autour de la table, etc. Yu Qian me souffla alors que celui qui boit le moins c’est celui qui prend la direction du jeu. Alors avec Michael on les a eu sur leur propre terrain : Vous savez écrire le 爨 de 爨底下 ? En quelle année Zheng Chenggong a-t-il repoussé les hollandais hors de Taïwan ? Résultats garantis !!
  • Les pétards et feux d’artifice
Après ce bon diner bien arrosé vint le moment tant attendu des pétards et feux d’artifice. Il y en avait pour plusieurs centaines d’euros, c’est vous dire la quantité ! Le ciel brillait déjà de feux de toutes les couleurs, les rues résonnaient déjà au point de déclencher les alarmes de voiture, et nous nous sommes joins au déploiement des forces, depuis notre petit parking. Si vous pensiez que les boites de fusée et les couronnes de milliers de pétards étaient des jeux pour enfants, détrompez-vous: les plus excités ce soir-là, ils avaient la cinquantenaire !

Er Gu me disait fièrement que les 老百姓, les simples citoyens, étaient bien plus forts que le gouvernement au jeu des feux d’artifice. Le jour de la fête nationale, le feu d’artifice est imposant et respectable, certes. Mais le jour du nouvel an chinois, c’est toute la ville qui s’illumine ! C’est chaque Pékinois qui va acheter ses boites de feu d’artifice et qui va les allumer en bas de chez soi. Si vous aviez la chance de survoler la ville par avion, vous apercevriez un gigantesque spectacle de lumières, sur un périmètre de plusieurs dizaines de km. Et ça ne dure pas juste quelques minutes ! ça commence à la tombée de la nuit, ça va crescendo et c’est l’apothéose à minuit. 

Ce spectacle de la rue en sons et lumières est prévu pour durer plus d’une semaine ! Souvenez-vous, l’année dernière, je rentrais à Pékin 5 jours après le nouvel an chinois
  • Les Jiaozi
De retour à l’appartement, la dernière activité traditionnelle commença : la confection des jiaozi (raviolis chinois). La pâte et la garniture furent préparées à l’avance, mais le fourrage, activité ludique et qui renforce la cohésion, était gardé pour le dernier moment. Comme pour le Mah-jong, le fourrage des jiaozi demande des gestes précis afin d’obtenir un ravioli dont la peau est fine, la garniture abondante, et la forme joliment ondulée. 

Le Jiaozi aurait été inventé au plus profond de l’hiver par un médecin chinois qui, apercevant nombre de ses concitoyens l’estomac vide et frigorifiés au point d’en avoir les oreilles gelées, leur aurait préparé un remède qui prenait la forme de ces oreilles gelées : de la viande et des ingrédients contre le froid fourrés dans de la pâte a pain. Le jiaozi était né. On commémore aujourd’hui la création du jiaozi le jour de 冬至, solstice d’hiver. Si on en mange aussi le jour de la nouvelle année, c’est parce que le jiaozi est homophonique avec le verbe signifiant changer d’année… Visiblement, quand on est gourmand, on trouve toujours une bonne raison de savourer quelques jiaozi !